Le syndrome d’Asperger : un trouble plus difficile à déceler chez les femmes

Le syndrome d’Asperger : plus difficile à déceler chez les femmes

Le syndrome d’Asperger reste un sujet méconnu. Ce trouble du spectre autistique (TSA) n’empêche pas de mener une vie sociale mais peut beaucoup la compliquer. Les femmes atteintes passant plus facilement « sous le radar » que les hommes, elles sont diagnostiquées tardivement. Quels signes pourraient vous mettre la puce à l’oreille ?

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[read more= »Cliquez ici pour lire plus » less= »Cliquez ici pour lire moins »]« Quand j’ai appris que j’avais le syndrome d’Asperger, ou SA, tout s’est assemblé d’un coup dans ma tête, comme un immense puzzle », témoigne Elodie, 37 ans, diagnostiquée en mai 2016 après plusieurs années d’errance et de questionnements. « Enfin, j’ai pu mettre un mot sur des maux que je ressentais depuis ma jeunesse : ma maladresse verbale et physique en société, ma propension à interpréter les choses au pied de la lettre… Tout prenait un sens ! ». Situé à une extrémité du spectre des troubles autistiques (TSA), le syndrome d’Asperger en demeure le « parent pauvre ». D’ailleurs, il n’est reconnu par l’OMS que depuis les années 90 alors que l’autisme « classique » l’est depuis les années 40. Contrairement à d’autres formes de TSA, ce syndrome ne s’accompagne pas d’un retard intellectuel : au contraire, « il touche des personnes avec un niveau intellectuel normal, voire supérieur à la moyenne », précise le Dr Valérie Chapaux, médecin généraliste en Belgique et atteinte de ce trouble. Le SA n’empêche pas non plus les « Aspies », comme ces personnes se désignent entre elles, de mener une vie en apparence normale. C’est particulièrement vrai pour les femmes : certaines sont mariées, mères de famille, ont un travail, conduisent… et pourtant se sentent différentes, « décalées », depuis leur enfance. Elles vivent alors l’annonce de leur trouble, généralement diagnostiqué après la trentaine, comme un soulagement, une délivrance. « Je me croyais folle, ou dépressive, avant d’apprendre que je suis tout simplement Aspie », sourit Elodie.


Les femmes Asperger, des caméléons sociaux

Si les hommes Asperger sont généralement diagnostiqués assez tôt, il en va autrement chez les femmes. La raison en est essentiellement sociale : les filles apprennent très tôt ce que la société pose comme étant acceptable ou non et sont plus douées pour imiter les comportements de leurs congénères. Elles ont également plus tendance que les garçons à intérioriser, voire dissimuler, leurs troubles sensoriels. « Au travail, pour ne pas entendre le brouhaha ambiant, j’écoute du bruit rose au casque. Mes collègues croient que je suis une mélomane, je ne les détrompe pas », témoigne Sophie, diagnostiquée à 27 ans. « Les femmes TSA ont une façon d’exprimer leurs troubles plus légère, plus fine, que les hommes », précise Alexandra Raynaud*, diagnostiquée SA à l’âge de 32 ans. « Il faut un oeil plus affûté pour les repérer. Elles sont plus sensibles à répondre à une attente sociétale et à se fondre dans la masse. On passe aussi à côté parce que ce syndrome a toujours été détaillé à partir d’exemples masculins. Et enfin parce qu’en France, on a encore de l’autisme une vision psychanalytique ! Or c’est un trouble neurobiologique, pas une maladie mentale. » La France s’est dotée de centres de ressources sur l’autisme (CRA). Leur mission : diagnostiquer un TSA chez des personnes potentiellement atteintes ou leurs enfants. Mais la démarche est basée sur le volontariat des patients et l’obtention d’un rendez-vous est très longue. « Il m’a fallu attendre quasiment trois ans pour que mon diagnostic soit posé ! J’ai eu l’impression que cela durerait éternellement », se souvient Alexandra Reynaud.

Épuisement, dépression : des arbres qui cachent la forêt

Même pour celles qui se sont le mieux adaptées aux normes sociales, le malaise reste profond. « Plus on avance en âge et plus les exigences sont importantes », raconte Julie Dachez sur son blog**. « Dans le monde du travail, il faut être en interaction avec les autres, savoir communiquer, être visible, réseauter… Tout ce dont on a besoin dans cette société pour réussir, c’est ce qu’on n’a pas, c’est notre point faible. » En résultent des difficultés relationnelles répétées, une évolution atypique ou inexistante, la nécessité de changer souvent de travail dans l’espoir que « ça ira mieux ailleurs », mais aussi une grande fatigabilité. « Un trouble relationnel peut ainsi rester caché longtemps, d’autant que les femmes Asperger trouvent souvent des aménagements provisoires à leurs difficultés, tant relationnelles que sensorielles », précise le Dr Chapaux. « Cependant, cette compensation avec les moyens du bord est coûteuse en énergie car elle requiert de se contrôler, ce qui a ses limites. » Elodie confirme : « C’est épuisant de faire comme si de rien n’était : quand je dois aller à un dîner, par exemple, je sais qu’une fois rentrée, pour me recharger en énergie, il me faudra au moins autant de temps au calme, allongée dans mon lit, chambre noire, boules Quiès dans les oreilles, que celui que j’aurai consacré à socialiser durant la soirée. » La femme SA va alors développer progressivement un épuisement avec des troubles anxieux, voire une dépression, signes indirects qui vont l’amener à consulter son médecin, voire un psychiatre. Les troubles du spectre autistique peuvent ainsi être confondus avec des troubles de la personnalité obsessionnelle ou évitante, des troubles anxieux de type phobie sociale, une dépression. « On peut être amené à se poser des questions quand on prend la peine de s’interroger sur la durée de l’épisode anxieux ou dépressif, de son mode de démarrage, du déclencheur possible », estime le Dr Chapaux. Le tout est de pouvoir faire la différence.


Détecter les signes d’alerte du SA

Il est important de se former à la détection des signes d’appel de l’autisme, afin de pouvoir, en cas de doute, référer votre patiente vers un centre de ressources sur l’autisme. Mais à quels signes évoquer un SA avec votre patiente ? Le Dr Chapaux donne quelques pistes : « Une femme SA aura un contact particulier avec vous : méfiance, distance, attitude hautaine ou réservée, contact visuel inexistant ou, à l’inverse, constant, manque d’expressivité faciale. Elle utilise un langage très riche et précis, une gestuelle complexe au

niveau des mains ou du tronc. Elle attache une grande importance aux détails pouvant perturber l’anamnèse et présente une hyper ou une hyposensibilité, mentionnée d’emblée ou notée lors de l’examen clinique. Elle se montre très rigide dans son attitude : rapport codifié, procédure pour les différentes étapes de la consultation, grande résistance au changement. » Alexandra Raynaud note de son côté le côté très indépendant des « Aspergirls » et donne d’autres clés : « elles ont généralement peu d’amis mais beaucoup de relations sur les réseaux sociaux, qui sont gérables à distance. Elles sont assez isolées hors de leur cellule familiale et amicale proche, ont des parcours atypiques, des intérêts plus ou moins restreints auxquels elles accordent une attention souvent obsessionnelle. Elles ont généralement su parler très tôt, utilisent un vocabulaire parfois pompeux, un ton inadapté. Elles ont une façon d’écrire très formelle, même pour des messages amicaux. Elles ont tendance à prendre vos propos au pied de la lettre et montrent une maladresse autant physique que sociale. » Enfin, il est faux de croire que les femmes Asperger ne ressentent pas d’émotions ou soient incapables d’empathie. « C’est même le contraire, sauf que nous ne savons pas toujours comment l’exprimer sur le coup », témoigne Alexandra Reynaud. Leur attitude peut alors sembler figée, distante. Elles peuvent également se « braquer » facilement si elles ont l’impression que la personne qui leur fait face se moque d’elles ou la méprisent. C’est pourquoi une attitude bienveillante, chaleureuse et empathique est la clé d’une relation « réussie » avec une patiente autiste, conclut le Dr Chapaux : « si elle trouve chez vous écoute, réconfort et prise en considération, elle pourra établir avec vous une relation privilégiée. » Louise Moine

source : femmes-medecins.com[/read]

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